Par Anouk Michauville-Renaud

Un circuit long de distribution signifie un nombre élevé d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Les intermédiaires, bien que remplissant des fonctions souvent essentielles, exigent une contrepartie qui entraîne plusieurs conséquences pour le producteur : risque d’un prix de vente plus élevé du produit, perte de souplesse dans le processus et manque de contrôle sur la promotion (Colbert, 2014, p.176). Néanmoins, la prise en charge des différentes étapes de mise en marché par les intermédiaires permet au producteur de diminuer ses coûts globaux (2014, p.176).

En culture, Colbert distingue le circuit long, composé de 4 intermédiaires (producteur > distributeur > détaillant > consommateur) du circuit ultralong auquel il ajoute l’agent (2014, p. 177). Il précise que les termes et fonctions peuvent varier d’un secteur à l’autre mais que l’idée reste la même. J’ajouterais également qu’ils évoluent au gré des transformations sociales et technologiques, comme nous avons pu le voir avec le confinement mondial et la numérisation de masse de l’offre culturelle. J’illustrerai mon propos avec le cas du Cinéma sous les étoiles de Funambules Médias.

Funambules Médias est un organisme culturel montréalais voué à la production vidéo, la formation et la diffusion de cinéma documentaire (Funambules Médias, 2020). Un de ses objectifs est d’avoir une plus grande main mise sur le réseau de distribution des films documentaires, de la production à la diffusion, afin de réduire sa dépendance et de devenir une force médiatique autonome (N. Goyette, communication personnelle, 13 novembre 2020).

Son projet de diffusion principal, le Cinéma sous les étoiles, est un événement de cinéma documentaire en plein air. Parce que Funambules possède ses propres écrans, il joue à la fois le rôle de détaillant[1] et de diffuseur, éliminant ainsi un intermédiaire généralement incontournable pour les festivals de films[2]. Or, en 2020, la pandémie a forcé l’organisme à faire une édition en ligne et à se tourner vers TV5 (Houdassine, 2020) qui possède

Ce partenariat a signifié le passage d’un circuit long à un circuit ultralong, ce qui a entraîné :

une perte de contrôle technique (externalisation) et promotionnelle
une perte de souplesse globale
une augmentation du travail de coordination
des conflits mineurs d’ordre politique

Inversement, le projet a bénéficié de l’investissement du partenaire dans la promotion de l’évènement, ce qui leur a permis d’économiser sur les frais de communications tout en augmentant leur visibilité (N. Goyette, communication personnelle, 13 novembre 2020)[3].

Cet exemple illustre ainsi parfaitement les avantages et inconvénients de l’ajout d’intermédiaires dans les circuits de distribution, et nous a en outre permis d’ajouter l’augmentation du travail logistique et des risques de conflits.

Pour Funambules Médias, cette situation apporte certainement des questionnements internes : est-ce que les avantages découlant d’un tel partenariat compense la perte le contrôle d’un maillon de la chaîne, et l’éloignement d’un de ses objectifs premiers ? Ce sera à eux d’y répondre.

Références :

À propos, Funambules Médias. Récupéré le 15 novembre 2020 de http://funambulesmedias.org/a-propos/
Colbert, François (2014). Le marketing des arts et de la culture, 4e éd., Montréal, Chenelière Éducation, 284p.
Houdassine, Ismaël (2020, 16 juillet). « Le Festival Cinéma sous les étoiles est de retour, mais présenté en ligne », RCI, section Arts et divertissements. Récupéré de https://www.rcinet.ca/fr/2020/07/16/le-festival-cinema-sous-les-etoiles-de-retour-mais-presente-en-ligne/
Le Cinéma sous les étoiles pour emporter !, TV5 Unis. Récupéré le 15 novembre 2020 de https://www.tv5unis.ca/collections/cinema-sous-les-etoiles

Toutes les autres informations sont tirées d’une entrevue avec le coordonnateur général actuel de Funambules Médias, Nicolas Goyette

[1] Dans le sens d’une entreprise ou d’une organisation qui regroupe des biens culturels au même endroit. Il serait plus juste de parler de programmateur, ou de diffuseur-programmateur (évènement ou festival) versus diffuseur (salle de cinéma). À noter qu’en cinéma, les diffuseurs et les programmateurs sont à distinguer des distributeurs, qui s’occupe surtout des aspects logistiques et commerciales du film (gestion des stocks, promotion et inscription sur le marché des festivals).
[2] Dans la majorité des cas, le réseau de distribution classique d’un film qui passe par un festival est ultralong : on y retrouve le producteur (Inspiratrice & Commandant), le distributeur (F3M), le détaillant ou programmateur (RIDM), le diffuseur (Cinéma du Parc), et le consommateur (exemple de mise en marché du film Wilcox de Denis Côté).
[3] Il est intéressant de noter que l’ajout d’un intermédiaire n’a pas signifié l’augmentation du prix de vente pour le consommateur, puisque les films étaient accessibles gratuitement au public (pour une durée limitée). Cela a néanmoins signifié l’augmentation de la valeur du contenu offert dans les négociations avec TV5 (N. Goyette, communication personnelle, 13 novembre 2020).